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La
Mort dans la Peau
(The
Bourne Supremacy)
Etats-Unis (2004)
De
Paul Greengrass
Avec
Matt Damon, Joan Allen, Brian Cox, Karl Urban
Scénario:
Tony Gilroy, inspiré de très très loin
du roman de Robert Ludlum
Musique:
John Powell
Genre:
Espionnage
Durée: 1h49 |
Deux
ans après La Mémoire dans la Peau,
Doug Liman cède la place à Paul Greengrass
(Bloody Sunday) pour en réaliser la suite.
On conserve cependant Matt Damon pour incarner le Jason
Bourne des romans de Robert Ludlum. Des romans, parlons-en
d'ailleurs. Si le premier film s'éloignait déjà
ostensiblement de l'oeuvre originelle, le deuxième réussit
l'exploit de ne rien préserver du roman si ce n'est le
titre et le nom du héros. Pour le reste, on change les
lieux des évènements, on retire la plupart des
personnages pour les remplacer par d'autres (en plus fades évidemment),
on tue le deuxième personnage le plus important de toute
la trilogie histoire de se simplifier la vie (et ouais comme
ça, ils n'auront pas à se soucier de deux personnages
s'activant en parallèle) ce qui détruit l'essence-même
de l'histoire et on modifie la base-même de La Mort
dans la Peau. Bref, une toute nouvelle trame, ne ressemblant
en rien à l'originale, transformant un magnifique roman
d'espionnage en un banal film de fuite bourré de personnages
caricaturaux. Dommage de ne rien tirer d'un livre qui avait
pourtant tant de matière pour réaliser un grand
film. Et dommage pour Jason Bourne qui méritait meilleur
traitement et meilleur incarnation que ce Matt Damon
qui reste à mon sens l'une des plus grosses erreurs de
casting de ses dernières années.
Enfin bref... j'ai pu composer le fan scandalisé, parlons
à présent du film en lui-même indépendamment
de toute source extérieure.
Si
Jason Bourne ne ressemble en rien à celui du livre, il
reste cependant suffisamment froid, sombre et anti-héros
à ses heures pour éclipser définitivement
le dandy anglais séducteur. Du moins, c'est ce que les
premières minutes nous laissent imaginer. Malheureusement,
dès l'issue du grand accident de voiture de la scène
d'ouverture, Matt Damon déçoit amèrement.
Aucune expression ne se révèle sur son visage,
c'est à peine s'il semble choqué ou même
un tant soit peu affecté. De la même manière,
dans les scènes d'action, son gabarit et son visage juvénile
ont énormément de mal à nous convaincre
qu'il est effectivement ce combattant émérite,
expérimenté et sûr de lui. Matt Damon
ne colle tout simplement pas au personnage que Greengrass
tente de nous dessiner.

Et c'est parti pour le combat
le plus mal filmé de l'histoire du cinéma...
Mais,
Damon n'est finalement pas le maillon faible du film.
S'il faut blâmer quelqu'un il s'agit sans aucun doute
de Greengrass lui-même. Par volonté
de réalisme, il prend le parti-pris de filmer tel
un documentaliste, caméra à l'épaule.
Aussi, les scènes d'action ressemblent plus volontiers
à une bouillie d'images incompréhensibles
et difformes n'aboutissant qu'à une seule chose:
l'horrible mal de tête du spectateur. Bouger sa caméra
dans tous les sens n'a vraiment rien d'artistique, ça
témoigne plutôt du manque flagrant d'inspiration
d'un réalisateur cherchant à le dissimuler
par le biais d'un pseudo-réalisme vain. C'est une
très bonne intention que de vouloir insuffler un
peu de réalisme dans un film d'espionnage. Cela colle
d'ailleurs particulièrement bien au style de Ludlum
s'éloignant de manière éclatante des
ambiances trop hollywoodiennes des derniers James
Bond. Seulement, réalisme ne rime pas avec
gros plans dans tous les sens, carambolages filmés
en plans saccadés se succédant à un
rythme effréné dans des cadrages douteux.
Du coup, les scènes d'action, sensées être
le clou du spectacle deviennent à la longue insoutenables.
Et qu'on ne vienne pas me parler de réalisme lorsque
l'on voit une voiture toujours en état de marche
après plusieurs dizaines de collisions...
Dommage
donc que le reste du film ne parvienne jamais à remonter
la pente. Car malheureusement La Mort dans la Peau
n'est en définitif qu'une histoire impersonnelle
d'un homme cherchant la vérité sur son passé
au gré de poursuites et de fuites elles-mêmes
rebattues. Les personnages secondaires sont rares et trop
fades pour mériter qu'on s'y attarde, les méchants
d'un manichéisme excessif sont à oublier rapidement
(on notera également un Karl Urban à
la présence indiscutable mais disparaissant de l'écran
plus des deux tiers du film) et l'histoire elle-même
ne va pas beaucoup plus loin que ce que l'on est en droit
d'attendre d'un épisode de série télé
de seconde zone.
Un effroyable gâchis donc surtout lorsque l'on sait
ce qu'il était possible de réaliser avec le
matériau de rêve qu'offrait la trilogie de
Ludlum.
Lyas
VERDICT:
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