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L'Echange
(Time and Chance)
Roman américain (1990)
De Alan Brennert
Editions Folio SF

Genre Mainstream (Fantastique)

478 Pages

 
LA CRITIQUE

Qui n'a jamais pensé qu'il avait peut-être fait un mauvais choix dans sa vie passée? Qui ne se demande pas ce que sa vie serait devenue si telle ou telle chose avait été différente? Qui n'a simplement jamais regretté un acte, un fait, une parole? C'est cette thématique-là que développe Alan Brennert dans son brillant Echange.
Richard Cochrane est un acteur talentueux et respecté de Broadway. Comme il le dit lui-même il n'est ni Al Pacino, ni William Hurt mais sa vie professionnelle lui sourit admirablement. Enchaînant les succès au théâtre, il est comblé. Et pourtant, quelque chose ne va pas. Si côté travail, tout s'est passé comme il l'imaginait dans ses rêves les plus fous, sa vie privée, elle, est un cuisant échec. Et il ne peut s'empêcher de penser à cette femme, Debra, qu'il quitta 13 ans auparavant pour faire sa vie à Broadway.
Dans une autre réalité, Rick Cochrane n'est pas acteur. Il travaille dans une compagnie d'assurances et est marié depuis plus de 10 ans à Debra et a deux beaux enfants. Mais rien ne va plus. L'échec de sa vie professionnelle le ronge et commence à avoir de graves répercussions dans sa vie de couple et dans sa relation avec ses enfants. Il voulait être acteur, mais il n'a pu se résoudre à partir pour Broadway et se met à rêver aujourd'hui à ce qui aurait pu se passer s'il en avait été autrement.
Les évenements vont permettre à Rick et Richard de connaître cette autre vie. Au coin d'une rue, ils se croiseront, se reconnaîtront et décideront d'échanger leur vie...

Sur un concept fantastique (la réalité parallèle), Alan Brennert nous offre ici un livre qui est tout sauf un livre de littérature de genre. Ce n'est pas de la SF, ni du fantastique à propremant parlé, c'est un vrai roman mainstream se posant sur une base fantastique (qu'il n'explique pas d'ailleurs, le but n'étant pas là) pour parler de la vie d'un homme ordinaire simplement. Cet homme, Richard Cochrane, est comme tout un chacun, fait de ses admirablees qualités et de ses détestables défauts. Parfois, drôle, touchant, altruiste, il est aussi immensément malléable, fragile, pitoyable voire violent. Un homme fait de doutes, de regrets et qui cherche à trouver une place dans un monde qui ne lui fait pas toujours de cadeaux.
On suit Rick et Richard l'un après l'autre, d'un chapitre au suivant on retourne dans l'autre réalité, et on découvre comment chacun se débrouille dans cette nouvelle vie qui aurait pu être la sienne.
Alan Brennert est scénariste à la télévision avant d'être écrivain, et cela se ressent dans son écriture. Les descriptions sont rares, si ce n'est inexistantes, l'intégralité du livre se passant dans la tête de notre double héros et dans des dialogues finement travaillés.
Tour à tour dur, drôle, captivant et poignant, L'Echange fait partie de ces romans injustement méconnus. C'est un livre sur toutes les duretés et douceurs de la vie, sur ce que nous rêvons d'être, sur ce que nous voulions être et sur nos éternels regrets.

Lyas


L'EXTRAIT

"Dites, vous m'avez entendu à la fin du deuxième acte? Oh, j'aurais voulu mourir. Je me suis complètement plantée!
- Je n'ai pas remarqué, lui dit Debra.
-Ah non?
-Tu feras mieux la prochaine fois, mon lapin", lui ai-je dit, en regrettant aussitôt mes paroles. Le visage de Paige s'est décomposé. Debra m'a foudroyé du regard qui disait: Ce qu'elle veut savoir, c'est si elle a bien joué aujourd'hui. Je le savais, bien entendu, tout comme je savais ce qu'il fallait dire à Paige pour la rassurer... et pourtant j'étais incapable de prononcer les mots requis.
Debra a passé sa main dans la courte chevelure blonde de Paige. "Tu étais superbe, ma chérie. Si on allait quelque part pour fêter ça? Chez Carvel? Au Dairy Queen?"
Paige a secoué la tête et lui a répondu, avec un pâle sourire: "Merci maman, mais... on se fait un petit truc entre nous, tu vois? Comme pour fêter la première. Je rentre pour neuf heures... d'accord?"
Debra a hoché la tête, l'a embrassé sur la joue. "Amuse-toi bien, ma chérie. On est fiers de toi."
Paige a acquiescé. "A tout à l'heure. Salut, maman, salut, papa." Elle m'a lancé un regard à la sauvette (je ne méritais guère plus) et s'est fondue dans la foule qui encombrait les coulisses. Debra s'est redressée, retournée... et la haine que je lisais dans son regard a failli me couper le souffle. Je me suis éclairci la voix. "Deb... je...
- Surtout, ne dis rien, m'a-t-elle fait en s'éloignant de moi. Je ne vois pas ce que tu pourrais dire, mais je ne tiens pas à l'entendre." Elle a traversé les coulisses jusqu'à la sortie; je l'ai suivie en grimaçant jusqu'au parking.
"Debbie, je t'en prie, laisse-moi t'expliquer..."
Elle a fait volte-face, m'a cloué du regard et j'ai vu que son mascara avait coulé, que ses yeux brillaient de larmes... pas pour elle, je le savais, mais pour Paige. "Mais merde, m'expliquer quoi? M'expliquer pourquoi tu fais de la peine à une petite fille qui veut simplement entendre son père lui dire qu'il est fier d'elle?
-Mais je suis fier d'elle!"
-Tu parles!" D'autres parents étaient en train de réintégrer leurs voitures tout en tendant discrètement l'oreille. " Tu n'es pas fier d'elle, arrête! Tu es jaloux!"
Je me suis raidi en prenant conscience du public qui nous écoutait; j'ai pris Debra par le bras pour la conduire vers notre voiture. "Ecoute, Deb, tu ne vas pas nous...
-Lâche-moi!" Elle s'est libérée de mon emprise. Les larmes ruisselaient sur son visage; elle avait la voix brisée. "Tu es jaloux et aigri! Tu en veux à qui, Rick? A elle, parce que tu te dis qu'elle va finir par réussir à faire ce que tu n'as pas pu faire? Ou bien à moi, parce que c'est moi qui t'ai fait rester ici, dans le New Hampshire?"
Ouvrant la portière d'un geste violent, elle s'est engouffrée dans la voiture, a fait tourner la clé de contact et, sans même attendre que le moteur chauffe, a passé la marche arrière et failli me renverser au passage. La Volvo a tracé deux rails dans la gadoue laissée par les chutes de neige de la veille, puis s'est engagée dans Clinton Avenue et a disparu.

 

 

©  Yggdrasil - 2005